Chien chanteur, cœlacanthe, kangourou de Wondiwoi... Ces animaux que l'on pensait disparus à tout jamais ont été retrouvés
Ce n’est pas la première fois qu’une espèce disparue réapparaît aux yeux du monde. En août 2020, une étude américaine confirmait le retour des chiens chanteurs de Nouvelle-Guinée. Observés en 2016 et 2018, il a fallu des analyses ADN pour confirmer leur appartenance à cette espèce, censée avoir disparu à l'état sauvage depuis un demi-siècle. Ces chiens au cri très surprenant, à mi-chemin entre le hurlement de loup et le chant de baleine, ne subsistaient plus qu'en captivité, l'espèce s'appauvrissant au fil des croisements et de la consanguinité. "La population de chiens chanteurs sauvages n'est pas seulement importante pour la préservation de l'espèce, c'est aussi un chaînon important pour la compréhension de la domestication du chien", écrivent les auteurs de l'étude.
L'une des "réapparitions" les plus incroyables est celles du cœlacanthe, un poisson massif résidant dans les eaux comoriennes et indonésiennes. Et pour cause : il était censé être éteint depuis 70 millions d'années. En 1938, un spécimen vivant est pêché et confié à une scientifique, Marjorie Courtenay-Latimer, qui l'étudie avec l'aide d'un confrère, James Leonard Smith. Les chercheurs sont face à un "fossile vivant" (ou presque) : la nageoire caudale de l’animal a trois lobes, caractéristique des cœlacanthes, prospères il y a 350 millions d’années ! Aujourd'hui, le cœlacanthe est souvent qualifié de "faux poisson" car il possède, vestige de l'évolution, deux humérus et deux fémurs, comme les mammifères.
Le nom scientifique du cœlacanthe est "Latimeria chalummae", en hommage à Miss Latimer. C'est le plus ancien vertébré encore existant sur Terre. Le nom scientifique du cœlacanthe est "Latimeria chalummae", en hommage à Miss Latimer. C'est le plus ancien vertébré encore existant sur Terre.• Crédits : Loonger - Maxppp
Un autre "fossile vivant" : la chelonoidis phantasticus, une tortue des Galapagos, a étéredécouverte en février 2019, déclarée éteinte depuis plus de 100 ans. Le dernier spécimen en vie avait été répertorié en 1906. Dès 1942, des faisceaux d'indices (excréments, traces de repas) semblaient indiquer la présence de tortues sur cette île volcanique de l'archipel, mais il aura fallu plusieurs décennies pour parvenir à mettre la main sur un spécimen. La tortue femelle identifiée en 2019 "dépasse les cent ans, c'est une tortue très vieille", déclarait alors à l'AFP Washington Tapia, directeur du programme de récupération des tortues géantes de l'ONG américaine Galapagos Conservancy. L'enjeu est désormais de trouver un partenaire mâle afin de perpétrer l'espèce.
Le seul et unique spécimen de Chelonoidis phantasticus, redécouverte en 2019 Le seul et unique spécimen de Chelonoidis phantasticus, redécouverte en 2019• Crédits : Rodrigo BUENDIA - AFP
Chez les mammifères, il aura fallu attendre 90 ans pour retrouver la trace du kangourou arboricole de Wondiwoi, ou dendrolagus mayri de son nom scientifique. Ce marsupial de Nouvelle-Guinée n'avait été vu qu'une seule fois en 1928, et décrit en 1933. "C'est l'un des mammifères les moins connus au monde", explique Mark Elridge, biologiste australien, au magazine National Geographic (article en anglais). En 2017, Michael Smith, un botaniste amateur se rend dans les montagnes de Papouasie à la recherche de rhododendrons. Il entend parler du dendrolagus mayri, introuvable depuis des décennies. En 2018, il retourne sur place et monte une expédition spécialement dédiée à la recherche du kangourou arboricole. Une semaine plus tard, il revient de la jungle avec plusieurs clichés de la bête. Aujourd'hui, le site Global Wildlife Conservation répertorie l'espèce comme "critiquement menacée" et indique être "en train de préparer une expédition avec des partenaires locaux, afin de vérifier l'observation et de confirmer qu'il s'agit, en effet, de cette espèce disparue. Il est impératif que des mesures de conservation soient mises en place dès confirmation de la redécouverte par le biais de techniques scientifiques, notamment des analyses ADN."
Un million d'espèces restent pour autant menacées d'extinction à travers le monde
Ces découvertes réjouissantes ne doivent pas pour autant nous faire oublier l'extinction de masse qui touche des milliers d'espèces animales. En 2018, le WWF démontrait dans son rapport annuel qu'en quarante ans seulement, la population de vertébrés avait chuté de 60%. En 2019, l'IPBES (plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) faisait état dans son rapport d'un constat encore plus alarmant : "un taux d'extinction des espèces sans précédent et qui s'accélère : un million d'espèces menacées d'extinction". Le responsable est désigné : l'Homme.
Selon ce rapport, depuis 1900, l'activité humaine a altéré 75% de l'environnement terrestre, et plus de la moitié de l'environnement sous-marin. A cause de la surpêche, un tiers du stock de poissons marins a été exploité en moins de temps qu'il ne faut pour renouveler les populations. La pollution de l'eau aux métaux lourds et aux engrais, la défaillance des systèmes d'épuration, la vague de plastique (son usage a été multiplié par dix depuis les années 80) sont autant de facteurs contribuant à la destruction des espèces.
Selon la liste rouge mondiale de l'Union internationale pour la conservation de la nature(UICN) de 2020, "sur les 128 918 espèces étudiées, 35 765 sont classées menacées". Aujourd'hui, plus de 150 espèces d'oiseaux sont considérées comme "disparues", n'ayant pas été observées ces dix dernières années. 40% des amphibiens, 26% des mammifères et 14% des oiseaux sont actuellement menacés d'extinction, de même qu'un tiers des requins et raies. Nous pouvons citer le crocodile des Philippines, qui ne compterait qu'entre 90 et 130 adultes à l'heure actuelle ; l'oryx algazelle, qui n'existe plus à l'état sauvage ; le rhinocéros de Java qui ne compte plus que 18 représentants ; ou encore l'esturgeon, chassé pour son caviar mais dont la reproduction, très lente, ne permet pas de compenser les pertes d'individus adultes.
En septembre 2019, nous publiions une enquête de Philippe Reltien pour la Cellule investigation de Radio France sur les pesticides, principale cause de la disparition des oiseaux en France. On y découvrait une situation alarmante pour le chardonneret élégant, le coucou, le milan royal, le pigeon ramier, la perdrix grise, l’alouette. Quand, en trente ans, l’Europe a perdu plus de 421 millions d’oiseaux.