Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Colonel Spontini

Pourquoi le pouvoir dirait-il la vérité ?

Le Colonel ne lit plus le "Canard enchaîné"

Publié le 31 Août 2022 par Colonel Spontini

Le Colonel ne lit plus le "Canard enchaîné"

Le Colonel ne lit plus le "Canard enchaîné". Pourtant cela faisait des décennies qu'il voyait arriver le mercredi, jour de parution, avec excitation. Quelle affaire louche, quelle méchante histoire révèlerait-il cette fois ? Si bien renseigné, avec des sources bien placées dans les rouages du pouvoir ? Comme beaucoup, le Colonel, pensait l'organe intègre et imperméables à d'autres influences que le devoir d'informer. Quelques petits dérapages déjà constaté dans le passé n'avait pas entamé sa conviction de lire une exception éditoriale. Les "confrères" ne pouvaient rivaliser er recevaient souvent des leçons d'intégrité journalistique. Mais le hasard peut être coquin. Un jour le Colonel tombe sur un article à propos d'une sombre affaire et il découvre des noms. Les deux journalistes auteurs suggèrent très clairement que les dénommés sont mouillés dans l'affaire. Le lecteur normal ne trouve rien de contradictoire pour équilibrer l'opinion émise. Aucun doute, ces gens ont trempé dans cette affaire qui ne sent vraiment pas bon. Mais le Colonel connaît l'un des noms...

Que conclut le Colonel de cette mésaventure ?

Les allégations de l'article sont infondées. Les journalistes n'ont pas cherché à informer, ils ont imposé une version en accord avec leurs préjugés. On n'ose imaginer d'autres motivations. Au bout du compte, le "Canard enchaîné" ne se distingue aucunement des autres médias qui prétendent informer. Il cherche seulement à affirmer sa puissance, à peser sur l'opinion, s'attirant ainsi des lecteurs et renforçant son pouvoir sur la concurrence et  sur les autres pouvoirs, politique, judiciaire, économique...

Les auteurs de l'article: Odile Benyahia-Kouider et Christophe Labbé. Leur responsabilité est engagée ainsi que celle du "canard enchaîné".

commentaires

L’humanité de l’humanité laisse à désirer (Lucas Blondin)

Publié le 24 Août 2022 par Colonel Spontini

L’humanité de l’humanité laisse à désirer (Lucas Blondin)

N'oublie pas ta douleur  9

— Ben tu dors ?

Je suis dans mon lit, au petit matin, à peine réveillé par l’appel d’Anne. Elle manifeste ainsi son absence complète d’obligeance envers les autres dont je fais partie. Elle paraît même étonnée. D’ailleurs, pout dire le vrai, elle est vraiment étonnée qu’on puisse dormir à 6 heures du matin.

— Plus maintenant, dis-je d’un ton rogue dont elle ne tient absolument pas compte.

— Ah très bien, c’est mon père qui vient de m’appeler…

Tel père, telle fille.

— …. pour me dire qu’à 10h ton mec là, heu… Dugland…

— Dufour ?

— Si tu veux, il passe à France Culture.

— Tu pouvais me le dire à 9h et même à 9h30.

— Oui mais maintenant c’est fait. Allez, bisous et n’oublie pas de l’écouter.

Il est remarquable qu’Anne, la plus douée des êtres humains que je connaisse en matière de technologies électroniques et informatiques, envisage l’écoute d’un programme radio au moment de sa diffusion et non pas plus tard par le système du podcast. L’influence de son papa sans doute. Et je trouve le moyen de me mettre à l’écoute à 10h, quand-même. Pourquoi notre inconscient n’arrête-t-il pas de déjouer nos projets les mieux pensés ?

C’est Géraldine Lisa-Dauphine qui reçoit le philosophe. L’émission est le troisième épisode d’une série de quatre intitulée « Sommes-nous tous des salauds ? ».

— Alors DRD, commençons par la question qui va de soit: sommes-nous tous des salauds ?

— Eh non. Si on se réfère à Mandeville, les salauds sont minoritaires mais puissants, on les trouve plutôt dans le haut du panier.

— Et vous pensez comme Mandeville ? Vous croyez que c’est toujours vrai aujourd’hui ?

— Oui, c’est une considération intemporelle et nombre d’auteurs le pensent aussi comme …

— C’est basé sur une arnaque intellectuelle ?

— Oui, si vous voulez, une manipulation astucieuse des plus malins pour dominer les autres, les naïfs, les vertueux.

— C’est de la démagogie ?

— En quelque sorte car cela consiste à exalter la vertu chez les autres, le désintéressement, le don de sois, l’honneur… toutes ces dispositions étant considérées comme le fruit de l’orgueil et comme chacun sait l’orgueil est solidement ancré chez les êtres humains. En flattant de ce côté on peut inciter les gens à s’y consacrer entièrement. Ils ne sont donc pas en mesure d’aller voir ce que font les puissants, ils ne pensent pas que ceux-ci puissent être pervers et jouisseurs. Et que le pouvoir qu’ils détiennent leur sert à dissimuler leur corruption morale.

— Et Mandeville nous dit qu’au lieu de chercher à éliminer cette minorité qu’il désigne comme « les pires d’entre nous », il sont là parce que Dieu l’a voulu ainsi.

— Eh oui, et pourquoi Dieu a-t-il voulu une chose pareille ? Une chose qui semble être une monstruosité ? Eh bien parce que sans les crapules, la société tourne mal et finit par s’amoindrir, s’affaiblir, au risque de disparaître. Vous comprenez pourquoi les livres de Mandeville ont fini sur le bûcher…

— Mais dites-moi Robert-Dany Dufour, peut-on dire que Mandeville est de droite ?

— Eh bien, ça me paraît hasardeux, déjà que le contexte de son époque est très différent du nôtre…

— Mais vous, vous êtes de gauche…

— Non, et d’ailleurs…

— Et ils vous ont laissé entrer ?

— Pardon ?

— Heu… non rien… continuez.

— D’ailleurs, disais-je, je ne suis pas de droite non plus.

— Mais les idées de Mandeville ne sont quand-même pas de gauche, puisque Hayek s’en est inspiré.

— Oui mais Hayek a lu Marx aussi, qui l’a tout aussi bien inspiré.

— D’accord, très bien, maintenant je voudrais que vous le disiez: dans tous ces salauds, y a-y-il des femmes ?

— Bien sûr, en le matière, il y a parfaite égalité hommes / femmes.

— Mais Mandeville n’en dit pas mot.

— Non, on ne peut que le présumer.

— Pensez-vous que le regard d’une femme aurait changé les conclusions de votre travail ?

— Je pense qu’une femme serait à peu près arrivée au même point que moi.

— Pure supposition en somme.

— Oui, on peut supposer longtemps comme ça.

— Il y a donc des salo… heu des quoi au fait ?

— Des scélérates, féminin de scélérats qui aurait mieux convenu que salauds.

— Notre série aurait donc du s’appeler « Sommes nous tous des scélérats ? »

— Vous avez une autre possibilité: « les pires d’entre nous », « pire » est à la fois féminin et masculin. Et votre émission pourrait s’intituler « Faisons-nous partie des pires d’entre nous ? », de quoi apaiser vos inquiétudes féministes. D’ailleurs c’est Mandeville lui-même qui vient à votre secours puisque nous avons là la traduction littérale de « the worst of us ».

— Et que savons-nous de madame Mandeville ? Je suppose qu’on ne gardait pas son nom de jeune fille à cette époque.

— Certains aspects de sa vie sont peu connus car peu documentés ou les recherches restent à faire. C’est le cas de son épouse Ruth Elisabeth Laurence épouse Mandeville. Ils ont été unis devant Dieu en l’église St. Giles in the Fields le premier février 1699.

— Des enfants ?

— Oui, deux: Michael et Pénélope et vous voulez que je vous dise ?

— Quoi ?

— Michael est né un mois après le mariage.

— Quel est le message ?

— Aucun, chacun en pense ce qu’il veut.

— Encore une femme qui a disparu dans l’Histoire.

— Je peux vous parler de Pénélope, on a quelques données sur sa vie.

— Non, revenons à Mandeville père, croyez-vous possible que Nietszche l’ai lu ?

— Techniquement c’est tout-à-fait possible mais aucune lettre ne vient corroborer l’hypothèse. En fait c’est la grande question: Nietszche a écrit plusieurs fois qu’il considérait Spinoza comme un précurseur et l’on peut se demander s’il aurait déclaré la même chose à propos de Mandeville.

— Mandeville qui a été lu par Adam Smith et Karl Marx, c’est établi que ces deux penseurs l’ont lu.

— Et l’un des deux a été plus influencé que l’autre !

— Bien sûr, bien sûr.

— C’est en lisant Généalogie de la morale qu’on peut penser à une influence de Mandeville la dialectique déployée par Nietszche y croise de déroulé argumentatif de Mandeville. Son évaluation de la morale contemporaine rejoint certaines considérations de son prédécesseur, sur la vertu en particulier.

— Inversement est-il possible d’imaginer une influence de Spinoza sur Mandeville ?

— Ils étaient presque contemporains puisque Mandeville est né sept ans avant la mort de Spinoza, en plus les deux ont fait leurs humanités en Hollande. Mais indépendamment de ces considérations anecdotiques quoique non dénuées de sens, sachant que le rayonnement de Spinoza avait commencé dans toute l’Europe érudite du début du XVIIIème siècle, on peut tout-à-fait concevoir que Mandeville l’ait lu. A-t-il été influencé ? Il n’y a pas de contradiction majeure dans la pensée de l’un et de l’autre. Bien que le rationalisme de Spinoza soit peut-être plus prononcé. Dans la mesure où il n’y a pas de remise en cause radicale de la tout puissance divine chez Mandeville. Alors que cet aspect est beaucoup plus discuté chez Spinoza. D’ailleurs Charles Barré dans sa thèse, excellente, portant le titre « le spinozisme après Spinoza » fait bien la part des choses et nous éclaire sur ce que le philosophe a construit dans son œuvre à ce sujet.

— C’est à dire ?

— Eh bien, il a détecté le facteur des instincts pour mieux mettre en évidence le rationalisme spinozien à partir de l’aporie irrémédiable du constat requis.

— Mais il le fait en prenant de Descartes à contre pied.

— Je me plais à vous l’entendre dire car c’est bien là le noyau du problème et nombreux sont ceux qui s’y sont cassé les dents, j’en fais partie dois-je l’avouer, mais sans honte car l’enjeu épistémologique est de taille.

— Et puis il y en a un autre qui l’a cité abondamment et qui s’en est servi tout aussi abondamment dans sa théorie de l’insuffisance de la demande efficace.

— Oui Keynes l'a remis à l'honneur dans son Essai sur Malthus et dans la Théorie Générale. Keynes le considère comme un précurseur du fondement de sa propre théorie de l'insuffisance de la demande efficace. Et si l’on se plonge dans ces deux textes après s’être imprégné de ceux de Mandeville on voit clairement la parenté. Il semblerait que Keynes, un peu comme Oscar Wilde, ait tiré beaucoup de plaisir à contrarier ceux qui lui reprochaient d’utiliser les théories d’un auteur aussi sulfureux, un type qu’ils trouvaient profondément immoral. Mais Keynes demandait souvent, autour de lui, si on pensait que l’économie obéit à une quelconque morale, et force est de constater, qu’en général, on lui répondait qu’effectivement il y a un doute. Mais pour revenir à votre question de tout-à-l’heure, vous noterez que Keynes étant la référence incontournable de la sociale-démocratie en matière économique, cela vient nous remettre Mandeville à gauche, en quelque sorte. Mais je pense qu’il y a un point sur lequel il ne serait pas inutile de dire quelques mots….

— Il y a beaucoup de points à aborder encore, l’émission risque de ne pas suffire.

— Il faut en sélectionner un ou deux, je vous propose la psychologie.

— J’allais le dire, car en plus d’être un précurseur d’Adam Smith, Mandeville a été aussi un précurseur de Freud.

— Et des psychiatres en général, on ne souvient pas assez de Théodule Ribot par exemple qui, à sa façon, a inscrit une thérapie d’écoute des malades mentaux, à l’instar de celle préconisée par Mandeville. Il ne faut pas oublier que Mandeville, à la base, était médecin, il avait son cabinet à Londres et c’est via sa pratique médicale qu’il a compris que l’écoute et la parole des patients tenait un rôle important dans la processus thérapeutique.

— Curieusement c’est cet aspect là qui a intéressé Hayek et non pas l’économie.

— Oui, mon collègue Jean Émile Plat propose d’expliquer cela en se demandant si la chose n’a pas à voir avec les propres problèmes psychologiques dont souffrait Hayek.

— Il était atteint du syndrome de Blackmore semble-t-il ?

— Oui c’est cela et, à la fin de sa vie, les effets étaient devenus très invalidants.

— On peut peut-être rappeler pour les auditeurs quelle est cette maladie ?

— Oui, le syndrome de Blackmore c’est cette disposition psychologique qui nous commande d’oublier nos douleurs. Je m’explique: quand nous souffrons, d’un mal de tête par exemple, si nous arrivons à nous en débarrasser, nous oublions très vite la douleur. Ce qui peut se comprendre car on n’a pas envie de ressasser des moments pénibles mais… car il y a un mais, en oubliant cette douleur on ne profite pas de son absence et à la place vous savez ce qu’on fait ?

— Que fait-on ?

On s’empresse d’aller chercher une nouvelle source de souffrance.

— Vous allez peut-être un peu loin.

— C’est le syndrome de Blackmore. J’ai repris presque mot-à-mot sa définition publiée dans Heavy Surprising Psychological Deseases.

Mais pour revenir à Mandeville…

— Pour revenir à Mandeville, celui-ci, à l’occasion de ses consultations a élaboré une théorie tout à fait prémonitoire de celle de Freud, avec l’inconscient, le refoulement, la sexualité… tout l’équipement intellectuel dont Freud s’est servi par la suite pour inventer la psychanalyse, mais l’a-t-il inventé lui-même ?

— Vous en doutez ?

— Non, il était tellement motivé qu’on ne peut pas en douter, par contre, il n’est fait mention nulle part à ce qu’il pourrait devoir à Mandeville.

— Bien, l’émission se rapproche malheureusement de son terme et c’est bien dommage car nous sommes loins d’avoir abordé tous les thèmes que nous aurions voulus concernant Mandeville.

— C’est sûr qu’il y a encore beaucoup à dire…

— Mais en préparant l’émission, nous sommes tombés sur une étrange découverte émanant d’un petit journal local du… vous voyez ce que je veux dire ?

— Pas du tout, je vous écoute.

— Dans un article… il est expliqué qu’un descendant de … qui était ami avec Mandeville, s’est fait voler une lettre adressée à son aïeul par Mandeville lui-même. Vous n’êtes pas au courant ?

— Si, maintenant que vous me le dites, je me souviens de cette affaire mais… bon, je crois que la police n’a rien trouvé.

— En effet, mais vous connaissiez l’existence de cette lettre ?

— Non.

Réponse sèche et précipitée.

— Avez-vous une idée de ce qu’elle peut contenir ?

— Comment voulez-vous que je sache !

Réponse un brin exaspérée.

— Effectivement ! Eh bien nous voilà arrivé au terme….

Je coupe le son et je réfléchis: ai-je appris quelque chose ?

Non.

Enfin si, la fille des Mandeville s’appelait Pénélope.

Je regarde le programme des émissions suivantes: « L’ADN de la figure du clown » et « Pourquoi les statues égyptiennes n’ont-elles plus de nez ?» ce qui me confirme que le station est bien au cœur des grands enjeux contemporains.

commentaires