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Colonel Spontini

Pourquoi le pouvoir dirait-il la vérité ?

Le mystérieux Saint Dominique

Publié le 30 Octobre 2022 par Colonel Spontini

Le mystérieux Saint Dominique

Il y a une église dans Paris dont l'entrée principale est surmontée du Saint Dominique de la photo ci-dessus. Pour sculpter ce haut-relief, l'artiste ne pouvait pas prendre Saint Dominique lui-même comme modèle pour une raison simple, il était mort depuis longtemps et aucun portrait acceptable n'avait emporté la conviction des personnes concernées, l'évêque commanditaire, ses collaborateurs, le curé affecté à l'église et le sculpteur lui-même. Celui-ci demanda donc à quelqu'un d'autre de poser pour lui. Cela se passait dans les années 20. Regardez bien. Il ne vous rappelle personne ?

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Il faut bien reconnaître que, dans l’histoire de France, les défaites militaires sont plus nombreuses que les victoires (N'oublie pas ta douleur - 15)

Publié le 28 Octobre 2022 par Colonel Spontini

Il faut bien reconnaître que, dans l’histoire de France, les défaites militaires sont plus nombreuses que les victoires (N'oublie pas ta douleur - 15)

15

 

Il faut bien reconnaître que, dans l’histoire de France, les défaites militaires sont plus nombreuses que les victoires

 

Je suis dans le pickup d’Askook, assis à sa droite, en train de regarder défiler le paysage composé de sable durci de couleur ocre, la même couleurs que les reliefs qui nous entourent. Inutile de chercher du vert, il n’y en a pas, aucune végétation à part quelques minuscules excroissances grisâtres que je prends pour des cactus. Je ne demande pas à mon chauffeur, il ne m’a pas adressé la parole une seule fois. À son arrivée, tout-à-l’heure, il a esquissé un hochement de la tête mais peut-être ai-je mal vu, avec mes lunettes de soleil. Helen, elle m’a salué avec des mots encourageants et puis, maintenant, je suis là sur la banquette avant du pickup beige et brun d’Askook. Nous soulevons de la poussière sans doute visible de très loin, mais si l’arrière en est brouillé, la vue à l’avant est d’une précision tout en netteté. Basses pressions sans doute, plus un soleil à l’ombre duquel aucun détail ne peut échapper.

En 1872, Jean Evangélie Bruneloo se trouvait à Tripoli pour le compte de la Société de Géographie Humaine, en train de préparer une expédition exploratoire vers le sud. Il comptait sur une caravane prévue pour un départ prochain. Son journal est plein de découvertes surprenantes et d’émerveillements innombrables, mais ses lettres à sa femme révèlent un aspect moins enthousiasmant de ses aventures, il emploie des expressions comme « ennui sidéral » ou « désespoir définitif » et encore « serai-je la prochaine victime de la fièvre ou des brigands ? ». Heureusement que personne ne lui avait dit qu’on avait perdu la guerre contre les prussiens. De retour au pays, trois ans plus tard, il découvrit, non sans stupeur, qu’il était devenu citoyen de la III ème république. Devant une salle comble, il fit une conférence et, inspiré par sa chance ?, il déploya des trésors rhétoriques pour enluminer ses descriptions du désert, stimulant ainsi, un désir intense, chez ses auditeurs, d’aller sur place pour jouir d’un si beau décor.

Je regarde le décors et je me demande comment faire pour rendre excitant un spectacle aussi monotone.

Au fur et à mesure que le temps passe, je dois me résigner à constater qu’aucune maison, aucun bâtiment n’apparaît nulle part ni aucun autre signe annonciateur de notre destination. Comme mon compagnon de route est muet et le restera même si je le questionne, je ne peux pas estimer le moins du monde quand nous arriverons, ni même si nous allons arriver, d’ailleurs de quoi serait capable Askook si je l’interrogeais ?  Allez savoir ?

Tout cela me donne l’impression d’exister moins qu’avant, je me dis qu’en m’enfonçant ainsi dans le désert, dans le no man’s land, j’existe de moins en moins.

L’heure suivante est aussi intéressante que celle qui vient de passer puisqu’elles se ressemblent à quelqu’infimes détails près. Par exemple, les reliefs sur les côtés sont plus loin qu’avant. Intéressant non ? Le soleil a entamé sa descente vers l’horizon et le chemin poussiéreux sur lequel nous progressons s’est mis à grimper insensiblement. Il sinue sur d’amples lacets qui semblent avoir été tracés pour rompre la monotonie des cent kilomètres de ligne droite que nous venons de parcourir. Et puis soudain, dans l’une de ces courbes, identique aux autre, Askook arrête le pick-up. Il ouvre sa portière et descend. Il me regarde sans expression aucune, mais j’interprète cela comme une proposition de faire pareil. J’ouvre donc de mon côté et en viens à mettre les pieds dans la poussière alors que lui, est déjà en train de sortir ma valise de la benne arrière. Ensuite, il va tellement vite pour remonter derrière le volant et repartir que je reste à regarder comme un crétin. Au bout de quelques minutes, le son du moteur s’est estompé jusqu’à laisser place à un silence qui me glacerait s’il faisait moins chaud. Et je reste là à me demander à combien d’heures je peux estimer mon espérance de vie. Pourquoi m’a-t-il abandonné là ? Il n’y a rien de plus qu’avant et probablement qu’après aussi. De quoi vais-je trépasser ? Soleil ? Serpent ? Hyène ? Chacal ? Mes restes seront-ils dévorés par les vautours comme ceux du fugitif de l’autre jour ?

Alors que je suis en train de chercher un moyen d’écourter mon agonie, j’entends:

— Billy ?

Hein ! Billy ? Oui, au fait, c’est moi ! Qui m’a appelé ?

— Billy ?

Je scanne les alentours et c’est en haut d’une élévation de terrain que j’aperçois un bras dans une manche blanche avec une main au bout qui s’agite.

— Oui, c’est moi !

— Je m’en doute que c’est vous, à part vous, je n’aperçois personne d’autre.

Bêtement je vérifie les dires du type, car c’est un homme, pour constater, qu’en effet, il n’y a personne d’autre.

— Venez !

Comment « venez » ?

— Mais, il n’y a pas de chemin !

— Montez.

Je monte vers lui en faisant cahoter ma valise dans les cailloux. Faute de chemin, je navigue entre des touffes verdâtres et piquantes entourées de pierres tout aussi piquantes quoique de couleur brune et ocre. Il faut chercher le sol nu pour ne pas risquer de tomber. Trois cent mètres ainsi m’amènent devant un type plus grand qu’il n’en avait l’air de loin. Maigre, le cheveu dru et gris, le visage creusé, adouci par des yeux gris pleins d’intelligence. Il sourit et me souhaite la bienvenue.

— Klugerman je présume ?

— Bienvenu Billy, suivez-moi.

Comme je ne vois aucune maison, je suppose qu’il habite dans une grotte.

Mais nous ne nous dirigeons pas vers quelque concrétion rocheuse propice à l’existence d’une grotte. Nous progressons vers une légère proéminence ressemblant à une cloche fortement évasée, une cloche posée sur le sol après avoir reçu un grand coup de marteau géant.

Arrivés à cinquante mètres, il se retourne:

— Voici mon home sweet home.

Mon air ahuri le fait rire.

— Ah oui bien sûr.

Il tire un boîtier de sa poche et appuie sur un bouton. Une télécommande. Et je vois un mouvement lent dans le terrain. Une fine bande noire apparaît. Au milieu quelque chose de rond. Une sorte de sas. Nous approchons et c’est bien un sas qui se trouve là. De part et d’autre, la bande noire s’avère être une espèce de baie vitrée avec, me semble-t-il, des vitres fumées. Un autre bouton déclenche l’ouverture du sas et nous voilà dans une antichambre au formes arrondies, aux dimension particulièrement bien proportionnées et à l’atmosphère avenante.Une atmosphère que l’on ne trouve que dans les maisons saines, et les maisons saines sont rares. Cela fait surgir un souvenir enfoui depuis longtemps, celui de la visite d’une église romane en Beauce. Le sol était de sable et les dimensions importantes mais la sensation était la même.

— C’est mon frère qui a conçu cette demeure. Original n’est-ce pas ?

— C’est heu… c’est bien caché, dis-je bêtement.

— Invisible sur Google Earth et depuis n’importe quel autre satellite d’observation. Ça coûte cher la tranquillité.

— Vous avez fini de payer ?

— Ah ah ah ! C’est important, en effet, de posséder son toit quand on est en retraite. Oui, tout cela est bien à moi.

— Tant mieux pour vous.

Curieusement, mon intuition m’autorise cette familiarité somme toute incongrue. D’autant que mon hôte n’en est aucunement embarrassé.

— Asseyez-vous Billy, j’arrive.

Au fond de la pièce, une silhouette, auparavant immobile se met à chuchotter dans l’oreille de de Kluguerman. C’est Askook qui lui confie une information d’importance à en croire l’expression concentrée de son auditeur. Puis le Navajo disparaît par téléportation ou, du moins, d’une façon analogue. Klug disparaît aussi mais c’est pour aller à la cuisine d’où des bruits ménagers se font entendre. Il revient avec des bières et des verres. Il s’assied en face de moi avec un sourire:

— Bien Billy, maintenant vous allez me dire comment vous vous appellez.

— Heu… Léonard

Ce serait puéril de faire le Billy me dis-je, il en faut plus pour tromper un type comme Klug.

— Ne vous inquiètez pas Léonard, ce n’est pas parce que j’attendais un Billy américain que je ne vais pas garder un Léonard français, vous ferez aussi bien l’affaire.

— Pour quoi faire ?

— Vous verrez demain.

— Demain ?

— Oui demain matin.

— Et après ?

Klug se met à rire mais sans ironie.

— Vous ne risquez rien Léonard, vous repartirez vivant d’ici.

— Mais …

— Mais quoi ? Vous avez trompé ma confiance en vous faisant passer pour un autre et vous voilà fort enclin à protester alors que je vous offre l’hospitalité.

— Hmmm…

Il n’a pas tort, même si mon intrusion n’était pas préméditée, c’est certainement un acte répréhensible.

Nous avalons un peu de bière et je dis:

— Vous voulez sans doute savoir ce que je fais chez vous ?

— Sans doute, je ne peux pas le deviner.

— C’est bien le moins de vous raconter mon histoire.

— Je vous écoute.

— Tu connais Dany Robert Dufour ?

— On a été collègues.

— Je travaille pour lui, je suis biblioenquêteur…

Et je lui raconte toute l’histoire. Parce que je lui dois bien ça, parce que je n’ai pas de raison de la lui cacher et parce que, sait-on jamais, un génie comme lui aura peut-être une solution pour récupérer la lettre de Mandeville.

Quand j’ai fini, je regarde la pampa et une dame de apparaît comme si elle venait capter les rayons de soleil. Ceux-ci révèlent une créature fort belle, de haute taille méritant quantité de qualificatifs avantageux parmi lesquels « effacé » n’aurait pas sa place.

— Ma femme Margaret.

— Léonard Zantor.

Grand sourire ensoleillé et mots de bienvenue.

— Vous êtes français ?

Ça se voit tant que cela ?

Et elle se met à lui parler en allemand, à quoi il lui répond dans la même langue.

Puis il se lève. Et s’en va.

Il me laisse avec sa femme.

Elle me sourit, très cool.

Je réponds avec le meilleur sourire que je peux façonner en prenant la parole:

— La situation est bizarre, me semble-t-il.

— Nous sommes nous-même des gens bizarres.

— Remarquez…

— Vous aussi ça vous arrive ?

— D’être bizarre ?

— Oui.

— En effet et… même… probablement plus souvent… que…

— Qu’on ne le croit n’est-ce pas ?

— Oui.

— C’est important d’en avoir conscience.

— En effet, il vaut mieux.

— Donc, même si la situation est objectivement bizarre, il ne faut pas s’en effaroucher compte tenu que la probabilité qu’il en soit ainsi est loin d’être minime.

Et nous voilà à deviser sur l’étrangeté de la réalité et les méditations probabilistes afférentes.

Klug nous rejoint et Marg se lève pour repartir chuchoter dans la cuisine avec lui.

Enfin, celui-ci revient, il est pieds nus, et semble tellement décontracté que c’en est communicatif, moi qui ne l’était pas vraiment étant donné l’étrangeté de la situation.

— Marg et Askook t’ont validé.

Je le regarde, le temps d’avaler l’information.

Cela me fait sourire et me soulage. Je peux réellement laisser libre cours à la détente de mon corps et de mon âme.

— Je suis donc Klugerman compatible ?

— En quelque sorte. Une autre bière ?

— Mais…. Comment il a fait Askook ? On ne s’est pas dit un seul mot.

— Il n’a pas besoin de mots pour sentir quelqu’un, c’est même mieux de ne pas parler.

— Et…. ?

— Il vous a évalué comme non hostile et donc non menaçant étant donné que vous êtes arrivé là sans l’avoir prémédité.

— Un peu quand-même.

Cela lui fait venir un petit sourire non dénué d’ironie.

— Tu as su saisir ta chance Leonard

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Si on milite, on ne dort pas.

Publié le 27 Octobre 2022 par Colonel Spontini

Si on milite, on ne dort pas.

Voici un militant de la CGT qui n'a pas encore rangé ses pancartes alors que la manifestation du 18 octobre 2022 à Paris s'achève, comme en atteste la présence de véhicules de nettoyage envoyés par la mairie. Il accepte, tout sourire, de poser pour le Colonel. Voici l'une de ses nombreuses pancartes, (comment a-t-il fait pour défiler avec les quatre autres ?) avec un texte qui rappelle que Macron n'a recueilli que 26% de voix parmi ceux qu'ont déposé un bulletin non-blanc dans l'urne aux dernières présidentielles. Cela ne fait pas beaucoup. Ensuite et de façon plus énigmatique, il met en opposition deux actions dont l'une est l'innovation. C'est vrai qu'on ne peut pas innover et faire autre chose en même temps. Le reste du panneau est totalement abscons, peut-être est-il venu de Metz pour porter sa parole écrite et protestataire. Le Colonel a sympathisé et se retrouve en possession d'une casquette orange avec le logo d'une équipe de baseball américaine.

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colonel.spontini@gmail.com

Publié le 25 Octobre 2022 par Colonel Spontini

colonel.spontini@gmail.com

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Chaque français est plus malin que les autres. Comment je le sais ? Je suis français. (N'oublie pas ta douleur 14)

Publié le 25 Octobre 2022 par Colonel Spontini

Chaque français est plus malin que les autres. Comment je le sais ? Je suis français. (N'oublie pas ta douleur 14)

Chaque français est plus malin que les autres. Comment je le sais ? Je suis français.

 

La route de Carolita est droite et longue, très longue. C’est le modèle de route que l’on voit couramment dans les films américains qui se passent dans le désert. Ainsi, dans un premier temps, j’éprouve le plaisir « d’être dans le décor » en faisant remonter dans ma conscience des extraits de ces films. Mais, au bout d’une heure, comme il ne s’est rien passé, la sensation est remplacée par une autre, moins agréable, celle de trouver le temps long. On peut s’arrêter sur le bas-côté si on le désire, pour une raison ou pour une autre mais aucun point d’ombre en vue, ni arbres ni bâtisses ni rien. Donc si on s’arrête pour régler une histoire physiologique mieux vaut se dépêcher avant de griller comme un steack sur le goudron par le soleil. Maintenant que la journée est bien avancée, je dois constater n’avoir pas croisé le moindre véhicule dans les deux sens. heureusement que la voiture de Millie est récente et bien entretenue. Comme aucune antenne n’existe le long de la route, mon portable ne peut fonctionner. Mais, bah, j’ai convaincu Millie (sans mal) de surveiller mon voyage en s’assurant de mon arrivée à Carolita. Soudain, j’aperçois du mouvement au loin, je fixe le phénomène pour réaliser qu’il se passe sur la route même. Une masse en mouvement où ça a l’air de s’agiter fortement. Des vautours ! Une horde de vautours a fondu sur quelque chose étendu sur le bitume. Je m’approche en ralentissant et je vois bien une centaine de ces monstrueux oiseaux aussi laids que l’enfer. Vont-ils m’attaquer pour le fait de les déranger ? Comme les abords ne me permettent pas de faire un détour pour rester à distance, il me faut passer à proximité. Et ce que je vois me pétrifie d’horreur, c’est le cadavre d’un homme que ces bêtes de malheur sont en train de dépecer, et le travail étant déjà bien avancé, impossible de voir la couleur de la victime. Je dois faire un effort considérable pour avancer quand-même et m’éloigner le plus vite possible de ce cauchemar. Après avoir parcouru une bonne distance, je m’arrête pour sortir de la voiture, rester debout l’oeil dans le vague, insensible à l’agressivité du soleil et je sens le nœud dans mon ventre se désérer très lentement pendant que je régule ma respiration. J’espère que la vision macabre ne me poursuivra pas toute ma vie. Normalement, je devrais être à Carolita dans une heure. Cette perspective me ragaillardit et je reprends la route.

Peut-être que les moteurs ramollissent à force de tourner par de fortes chaleurs car ce sont deux bonnes heures qu’il me faut pour rallier ma destination. Mon réservoir est presque vide, de même que les deux bidons que j’avais pris soin d’embarquer en plus. Les cinq maisons qui apparaissent me réchauffent le cœur surtout celle qui comporte une pompe  à essence. Comme prévu, mais content de la voir quand-même. En plus de la pompe, la baie vitrée de derrière laisse voir un confortable établissement dédié à la nourriture et à la boisson. Éclairé avec goût, sans néons. Peut-être qu’il y a des hommes à Carolita ?

Eh non, le « Last chance before Hell » est tenu par une femme élégante, en robe rouge et talons hauts, arborant un sourire si lumineux qu’il vous fait oublier la présence de cinq cent kilomètres de désert de l’autre côté de la porte.

— Hello Billy ! me dit-elle, vous voilà enfin !

Pardon ? J’ai bien entendu « Hello Billy, vous voilà enfin ».

Soit c’est une formule rituelle non dénuée d’humour, pour accueillir les nouveaux arrivants, soit elle me prend pour Billy et je dois impérativement réagir intelligemment. Mon métier me met parfois en position de prendre une décision très très vite, quelques millisecondes. Cela peut considérablement favoriser les choses. Ok, Billy c’est moi.

— Oui, la route est longue et le soleil brille pour tout le monde, d’ailleurs il a beaucoup brillé aujourd’hui.

— On n’est pas en Alaska Billy.

— C’est la charogne sur la route qui m’a retardé.

— Ah tu l’as vue ?

— Les restes d’un type dont les vautours s’empiffraient..

— Il s’est enfui du pénitencier. Pourtant on lui avait expliqué que les murs ce n’était rien comparés au désert. Sa prison c’était le désert, il n’a pas compris. Quand on n’est pas malin, c’est ce genre de chose qui arrive.

— C’est sûr bien sûr. Mais pourquoi sur la route ?

— Il pensait sans doute voir passer quelqu’un, la voiture du shériff ou un type comme toi.

— Je suis arrivé trop tard.

— Hmmm pas forcément… installe-toi, je vais prévenir le Professeur.

« Je vais prévenir le Professeur », elle a dit cela. Heureusement que mes oreilles sont propres et que l’info commence à être traitée par mes neurones sous-corticaux. Je préssents avoir une chance de malade. Je m’installe donc derrière une table vernie équipée de bancs en bois et j’attends qu’elle ait terminé sa conversation téléphonique dont j’attrape des bribes sans les comprendre. Elle revient peu après:

— Voilà c’est fait. Tu passes la nuit ici et Askook vient te chercher demain à 7 heures.

— Heu… quelle organisation ! Je boirais bien quelque chose. Tu connais mon prénom et…

— Helen, je m’appelle Helen. Alcool ou pas alcool ?

— De l’eau gazeuse.

— Bonne idée, j’ai éjecté mon mari parce qu’il ne buvais jamais d’eau gazeuse.

Je la regarde et m’aperçois immédiatement qu’elle n’est pas dans les mêmes dispositions d’esprit que les femmes de Vaughn ce qui me soulage étant donné qu’il me faut de la concentration, sinon, je n’ai rien contre l’alcool, mais là aussi j’ai tout intérêt à garder les idées claires. Je m’abstiens de lui poser des questions sur Askook et le Professeur, il me paraît plus sage de bavarder.

— Ce soir c’est menu unique, du b…

— J’adore les surprises, j’en commande une portion et je me laisserai surprendre.

— Très bien, n’aie pas peur ce n’est pas épicé.

— Avec de l’eau gazeuse.

Elle sourit et va s’affairer derrière le bar.

— Il est loin le pénitencier ?

— Trente miles à vol d’oiseau, le double en voiture.

— Il y a du monde dedans ?

— Il est plein. C’est une prison de haute sécurité, pour les longues peines. Il y a même un couloir de la mort.

— Il était condamné à mort le type qui s’est échappé ?

— Même pas, c’était un multi-récidiviste mais il n’avait tué personne, il avait une condamnation de vingt ans dont sept déjà effectués. Par contre ils détiennent Hoagre Pulson et lui ça m’étonnerait qu’il ressorte un jour.

— Un tueur en série ?

— Oui, tellement cruel que quand Lewell Barson, le producteur qui a fait Lethal Sweet Apassionnata à voulu en faire une série, il n’a trouvé personne pour investir dedans.

— Pourtant ça ne manque pas de séries glauques.

— Oui mais celle-là….

Nous passons ainsi un bon moment au grès d’une conversation pleine d’intérêt et sans aucun rapport avec ce qui m’attend demain (qu’est-ce qu’il peut bien m’attendre demain ?). Pendant que nous parlons, une jeune fille, toute menue fait son entrée et Helen lui dit « Bonsoir Nascha tu en fera deux chérie et tu préparera les poulets pour demain ». La jeune fille se faufile dans la cuisine et dans la demie-heure une odeur de bon aloi vient envahir nos narines.

— Nascha est Navajo. Je lui apprends notre cuisine et elle m’enseigne celle des siens.

— Aujourd’hui, si j’en crois mon nez, ce sera ta cuisine.

— Tu verras, elle va venir te servir bientôt.

En attendant, je bois mon eau gazeuse tranquillement pendant que la patronne du « Last Chance » s’affaire derrière son comptoir.

— Il y a une chose qui m’intrigue depuis que je suis arrivé dans le coin…

Elle me jette un œil en coin en attendant la suite,

— … ça fait deux jours que je suis là et je n’ai pas vu un seul homme, même pas un gamin…

Elle prit son temps

— Les hommes boivent, surtout dans le désert…. les femmes n’ont pas besoin d’hommes qui boivent.

— Ah je vois…

À mon tour de laisser courir un silence taiseux,

— Mais, c’est bizarre… j’ai dans l’idée qu’il y a une autre raison.

Je dis cela au petit bonheur, histoire de causer et parce que c’est quand-même bizarre comme phénomène.

Elle s’arrête de laver le même verre pour la huitième fois et semble peser le pour et le contre de sa réponse,

— L’autre problème avec les hommes est qu’ils sont armés.

— Et alors ?

— C’est une menace.

— Pour qui ? Pour les femmes ?

— Elles sont armées aussi.

— Pour qui alors ?

Elle va chercher une canette d’eau gazeuse, prend son temps pour l’ouvrir, remplir son verre et en absorber une gorgée,

— Pour les Navajos.

— Mais… ils sont armés aussi non ?

— Bien sûr, mais ils sont prudents aussi.

— Prudents ?

— Oui, ils préfèrent que la zone soit démilitarisée pour ainsi dire, ça fait baisser la pression et ça augmente le sentiment de sécurité.

— Et… ils ont obtenu le désarmement des gens du secteur ?

— Nous sommes dans leur réserve et le conseiller du gouverneur est né ici.

— Mais… et les hommes ?

— Ils sont partis, ils ont mis les bouts, ils ont fait leurs valises et ont décampé sans dire au revoir ni se retourner.

— Mais… ?

— Un homme sans arme c’est un homme à poil.

Je la regarde en pensant qu’elle aussi est sans arme. Puis la petite Nascha vient nous interrompre avec une assiette bien garnie et bien fumante. Elle la pose devant moi avec tout le matériel requis pour en avaler le contenu. Je hume, je regarde et je conclue, à ma grande surprise:

— Un bœuf Marengo, quelle surprise !

Grand sourire des deux femmes. Ce sont les carottes coupées en rondelles qui m’ont mis sur la piste. Mon allégeance à l’eau gazeuse m’interdit d’envisager un rouge qui serait en accord, et c’est bien dommage. D’ailleurs la carte des vins doit être assez courte. La viande est un peu dure et la sauce témoigne d’une inventivité locale très audacieuse mais, dans l’ensemble, le plaisir est bien là.

La café qui suit est un café américain, autrement dit, il est aussi inoffensif qu’un verre d’eau, ce n’est pas lui qui va m’empêcher de dormir mais je crains quand-même de ne pas fermer l’œil.

Et je ne ferme pas l’œil.

 

James Wang faisait remarquer, dans sa série, Evil’s blood uploader, que l’ennemi de l’homme, ce n’est pas une menace particulière, mais c’est l’incertitude. Son héros ne redoute pas d’être décapité par le gang du quartier puisqu’il lui suffit d’anticiper en décapitant ceux qui lui veulent du mal. Par contre, il supporte très mal que sa mère ne lui ait pas dit « bonsoir mon cœur » avant d’aller se coucher. Aurait-elle oublié, ou l’aime-t-elle moins qu’avant ?

 

À l’aube, aucun coq ne chante. Peut-être qu’ils sont partis avec les hommes ? Le soleil levant emplit le désert d’une lumière somptueuse, intense et légère. Je me demande quel être, parmi nous les humains, mérite une lumière pareille. Même le plus vertueux est en dessous d’une telle beauté. Je me lève parce qu’il est inutile de rester couché. Une douche rapide, mes affaires dans ma valise, et je descends avant tout le monde. Normal, il n’est même pas cinq heures. Je trouve le moyen de fabriquer un café après avoir découvert l’existence d’un percolateur en état de marche. Ainsi mon histoire pourrait s’appeler Un expresso dans le désert. Je me met sur une chaise dehors en regardant la seule chose qui bouge, le soleil, ou plutôt la Terre, parce qu’au fond c’est elle qui tourne. Et je me sens minuscule. Si le monde avait du sens, les petits êtres que nous sommes ne seraient pas honorés d’une Nature aussi belle. Mais, d’un autre côté, on peut aussi se dire qu’on a une chance de cocus et qu’on ferait mieux d’admirer tout ça la bouche bée. Non ? Sans la ramener quoi.

Après mon quinzième café, je suis dans un état dans lequel je n’aurais jamais dû me mettre et un pick-up soulève la poussière en roulant dans notre direction. Helen me rejoint:

— Voilà Askook, Billy, il est très ponctuel. Les navajos sont toujours très ponctuels.

— J’ai mal à la tête.

— N’essaie pas de lui parler s’il ne te parle pas.

— Ok.

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Italian pasta

Publié le 22 Octobre 2022 par Colonel Spontini

Italian pasta

Barilla trop américain et pas assez italien ? C'est en tout cas l'avis de deux clients, vivant aux États-Unis, Matthew Sinatro et Jessica Prost, qui ont engagé des poursuites contre la célèbre entreprise alimentaire. En cause ? L'impression première, après avoir acheté plusieurs boîtes de pâtes, que ces dernières étaient produites en Italie. Mais malgré le slogan de la marque - qui se revendique comme la «première marque de pâtes en Italie» -, ses produits sont fabriqués dans les États de l'Iowa et dans celui de New York. Aux États-Unis donc. Les deux consommateurs accusent la marque de publicité mensongère. Le juge, qui s'est saisi du dossier, indique que les clients pourraient être induits en erreur par le marketing des produits. Ces derniers présentant sur ses emballages bleus des couleurs verte, rouge et blanche, rappelant celles du drapeau italien.

Selon le couple, la société italienne aurait cherché à profiter du fait que les consommateurs étaient prêts à payer plus cher des produits qu'ils croyaient venus d'Italie. Le couple blâme par ailleurs Barilla d'avoir voulu réduire ses coûts de production en fabriquant ses pâtes aux États-Unis. Face à ces accusations, l'entreprise italienne indique sur son site qu'une grande majorité de ses aliments vendus aux États-Unis sont bien fabriqués sur le sol américain et que cette information est bien présente sur les paquets. À l’exception de certaines pâtes comme les tortellinis ou encore les lasagnes qui, elles, sont confectionnées en Italie. Barilla précise également que ses machines américaines sont les mêmes que celles présentes dans ses usines européennes.

Malgré ces précisions, le juge a rejeté la requête de Barilla qui refusait le procès, affirmant que les clients avaient bien subi un «préjudice économique». Si Matthew Sinatro et Jessica Prost demandent une compensation financière, ils souhaitent également que la justice empêche Barilla d'utiliser des marqueurs italiens sur ses emballages.

Source: Le Figaro

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N'oublie pas ta douleur (13)

Publié le 20 Octobre 2022 par Colonel Spontini

N'oublie pas ta douleur (13)

13

Le monde est complexe mais il le serait moins si les humains avaient la bonne idée de débarrasser le plancher (anonyme XXIème siècle)

 

Le soir tombe sur Vaughn et rien ne me permet de savoir comment va se passer ma nuit. Peut-être serai-je toujours vivant demain ? Je constate l’absence de poste de police de même qu’aucune caserne de pompiers n’est présente non plus. Bizarre pour une agglomération dotée d’un aérodrome. Ah mais oui ! Le camion de pompiers doit se trouver dans le hangar du tarmac avec des volontaires prêt à courir jusque là. Peut-être y a-t-il des hommes à Vaughn ? Je tourne à petite vitesse dans la Toyota de Molly , jouissant de la clim, mais sans arriver à voir personne. Par contre j’avise une antenne pour les téléphones portables, ce qui va me permet de mettre en œuvre un appel qui m’apportera peut-être une réponse à la question qui me titille depuis un bon bout de temps. L’antenne sert de hampe à un drapeau américain et les rideaux de la maison devant laquelle je suis garé vienne de bouger. Il me souvient subitement qu’une seconde antenne doit se trouver à l’aérodrome, j’ai du le capter inconsciemment. Et à l’ombre du hangar où je me gare, je constate avec contentement qu’elle existe bien, quoique sans drapeau. 18h ici, ça fait dans les dix heures en France. Ça sonne cinq fois puis un répondeur se croit obligé de me dicter ma conduite. Je refais le même numéro et cette fois c’est la bonne, j’ai Brun au bout du fil.

— Bonjour monsieur Brun, je vous appelle du Nouveau Mexique.

— La lettre est là bas ?

— Peut-être ou peut-être pas, mais j’ai une bonne piste et une idée assez précise d’où elle se trouve.

— Vous pensez l’avoir bientôt ?

— Impossible à dire. Je vous appelle pour vous tenir au courant et obtenir votre autorisation de continuer.

— Bien sûr que vous continuez, je n’ai pas changé d’avis.

— Il faut que je vous dise aussi une chose que j’ai découverte en faisant mon enquête.

— Je vous écoute.

— La lettre à été volée.

— Je vois et… où est le problème ? Ou plutôt, cela rajoute-t-il un problème supplémentaire ?

— Eh bien, c’est pour cela que je vous en parle, il est fort possible que pour la récupérer il faille la dérober à celui qui l’a volée.

— Voler la lettre au voleur ?

— Lui, il ne portera sûrement pas plainte, mais le propriétaire lui, on ne sais pas ce qu’il peut faire.

— Je vois. Eh bien, c’est très simple, aucun moyen pour la récupérer ne me pose de cas de conscience, voyez-vous, à vrai dire vous ne m’en parleriez pas que ça ne me gênerait pas du tout. Par la suite, s’il y avait des complications, j’en assumerai toutes les conséquences, soyez-en sûr.

— Voilà qui est clair et net, j’apprécie. Je devine que ce document à une importance cruciale pour vous.

— Si ce n’était que pour moi…

Je n’insiste pas et soudain, avant de raccrocher, je me souviens de la question qu’il faut poser:

— Ah, je voulais vous demander autre chose, comment Dufour s’est-il retrouvé chez vous ? Vous l’avez invité ?

— Oui, je l’ai invité. Vous pensez bien qu’en étant concerné par Mandeville comme je le suis, c’était bien normal de vouloir le rencontrer.

— Il y a une chose que je ne comprends pas monsieur Brun: avant que Dufour ne vous parle de la lettre, pourquoi étiez-vous concerné par Mandeville.

— Hmmm…. j’aime bien votre question Zantor parce qu’elle me prouve que j’ai bien fait de vous embaucher.

— Pourquoi avez-vous bien fait de m’embaucher ?

— Parce que vous avez de la jugeote.

— Merci…

— Et… la réponse c’est que je connaissais déjà l’existence de cette lettre.

Et vous avez rencontré Dufour dans l’espoir d’en savoir plus Avant d’entamer…

— … des recherches plus sérieuses ?

— Oui mais, il n’y avait plus de recherches à mener puisque Dufour m’avait révélé qu’il détenait la lettre.

— Et pourquoi m’avez-vous embauché ?

— Pour lui piquer.

— Vous auriez dû me le dire dès le début.

— Oui mais, je préférais que vous découvriez vous même la situation. C’est lui qui l’a volée ?

— Sans doute, mais je n’en ai pas la preuve, d’ailleurs je n’ai pas non plus la preuve formelle qu’elle est en sa possession.

— Effectivement et je vais insister sur un autre point monsieur Zantor: votre présence au Nouveau Mexique.

— Hmm.. c’est lié.

— À croire que oui.

— Mais comment ?

— À vous de le découvrir Zantor.

— Et… selon vous… quel rôle il joue Dufour dans tout ça ?

— Le rôle d’une sangsue et…

— Et quoi ?

— Vous allez voir Klugerman non ?

— Comment le savez-vous ?

— Peu importe, je le sais. Ce qui est important à présent, c’est ce qu’il va vous apprendre.

— Et s’il ne m’apprend rien ?

— Ne faites pas le benêt Zantor, ça ne vous va pas vous qui avez de la jugeote. Vous savez vous adapter aux situations imprévues non ?

— Heu… oui, ça m’est arrivé.

— Eh bien à vous de jouer.

Et Brun me laisse comme ça sur le tarmac de l’aérodrome de Vaughn avec des points d’interrogation dans la tête, si nombreux que je ne sais pas comment programmer la suite de la soirée. Et en retournant, lentement, dans le centre de Vaughn (le centre ! Il n’y a même pas de périphérie !) je décide de la jouer taoïste, c’est-à-dire comme si j’étais sur la Voie, en train de me détacher du cours des choses, abandonné à mes seuls actes réflexes.

Le sourire de Marta à mon arrivée dans son bar, n’a pas d’autre existence que la myriades d’étoiles qui sont en train de décorer le ciel de la nuit qui vient. Nous échangeons des mots légers en rapport, sans doute, avec une connivence qui a du s’installer entre nous. Et nous voilà, Marta et moi, en train de deviser de choses et d’autres, de part et d’autre de tamales aux gombos à la saveur étrange mais bonne et une bière légère pour faire passer. La bière de Jacques Chirac. Il me faut du temps pour lui situer Chirac. Autant qu’un type qui voudrait vous expliquer la personnalité et les motivations d’un politicien kosovar au moment où il entre dans le tribunal. Puis, les tamales terminés, le dessert aussi, et un dernier verre, Marta me dit:

-— Tu peux prendre une douche Léonard, j’ai allumé le chauffe-eau.

— Je la prendrai demain.

— Non, ce soir, je ne voudrais pas avoir allumé le chauffe-eau pour rien.

Voyez le genre.

Je monte dans ma chambre alors qu’elle commence à éteindre les lumières.

Je prends ma douche et je me glisse dans le lit en priant le Très Haut pour que la suite soit paisible et harmonieuse.

Elle se fait attendre, bien sûr. Vous connaissez des femmes qui ne se font pas attendre ? Nous n’avons aucune obligation réciproque, nous sommes tous les deux des adultes qui menons nos vies en adultes, en toute liberté, et elle trouve le moyen de se faire attendre alors que je n’ai aucune raison de l’attendre. Si je suis dans ce lit c’est pour dormir.

Non ?

Non.

Je somnole, je somnole tellement que le sommeil m’a déjà pris presqu’entièrement, bien que je sache qu’une affaire en cours n’est pas arrivée à terme. Et des coups sur la porte se font entendre. Je grommèle et immédiatement la porte s’ouvre (Je n’avais pas fermé à clé ?) sur Marta en tenue légère. Du moins à la faible lueur régnant dans la pièce, je la vois plus dévêtue que tout-à-l’heure. Elle est attirante, aucun doute et je ne vois pas d’inconvénient à sa venue à mes côtés dans mon lit, alors qu’elle n’a pas demandé la permission.

La suite, au fond, ne m’étonne guère, car pour vous faire une confidence, ça fait un sacré bout de temps que je savais que ce qui arrive maintenant devait arriver.

Croyez-moi si vous voulez, mais les révélations de Brun ne sont pas étrangères à mon abandon dans les profondeurs de Marta, car quand les idées se bousculent en trop grand nombre dans la tête, rien de mieux qu’une étreinte suivie d’autres étreintes avec une libellule du désert comme Marta.

Le reste de la nuit contient le contentement d’avoir traversé en dehors des clous le chemin du désir charnel agrémenté d’une toute nouvelle affection.

Au petit matin, je suis réveillé par les ronflements de Marta, alors que je pensais que c’était moi qui ronfle en général, et qui réveille la voisine.

Je vais prendre une nouvelle douche mais le chauffe-eau a du s’arrêter dans la nuit car l’eau est froide, mais à l’aube d’une journée torride, l’inconvénient n’en est pas un.

Je descends faire un café et vers 7 heures, madame Davy Crokett fait son entrée.

Je lui sers un café, et comme si une onde avait monté les escaliers pour sonner l’alarme, Marta arrive en ajustant le bouton de son jean.

Une heure plus tard, j’ai réglé ma chambre et le reste et, sous le regard des deux amazones auquel s’est ajouté celui de cinq autres clientes, je pousse la porte et monte dans la voiture après avoir placé ma valise dans le coffre. Je démarre sur les chapeaux de roues en saluant la sympathique assemblée dans laquelle je distingue Millie qui vient d’arriver. Je quitte Vaughn sans savoir si un homme au moins y vit.

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Pourvu que ça dure

Publié le 16 Octobre 2022 par Colonel Spontini

Pourvu que ça dure

12

Pourvu que ça dure

 

Le lieutenant colonel Morlet et son co-pilote René Labarbe volaient en direction du sud aux commande de leur bombardier léger Blenheim. Le soleil, sur leur droite, commençait son mouvement descendant vers l’horizon. Pour le moment ils suivaient la route du Tchad et ils ne tardèrent pas à atteindre Gatroum avec la radio duquel ils se signalèrent. Comme les hommes qu’ils recherchaient, mais ceux-ci se déplaçaient dans la Jeep de Delange. Plus bas, la route se changeait en piste et les trois cahutes de Tejahi apparurent. Aucun signe de vie. Après trois boucles à basse altitude, ils décidèrent de continuer et pour ce faire, ils n’avaient que la recommandation de Dilong comme option. Ils obliquèrent direction ouest et se retrouvèrent face au soleil. Leurs lunettes de vol n’étant pas des lunettes de soleil, ils devaient plisser les yeux et, de ce fait, observer le sol devenait plus difficile. Ils volèrent ainsi pendant une bonne heure et de tout ce temps, ils n’aperçurent que du désert, aucune trace humaine, ni même animale. Que du désert. Avec des sortes de collines, voire des petites montagnes d’un brun sombre faisant contraste avec l’ocre clair du sable. Ils s’avançaient dans une espèce de vallée, très évasée et peu profonde avec les reliefs sur les côté en guise de contreforts. Le soleil devenait très bas.

— Il va falloir retourner Colonel, on a juste ce qu’il faut de carburant dans le réservoir.

— Oui, on dirait qu’on est venus pour rien.

— Le contraire m’aurait étonné.

— Ces pauvres types doivent bien être quelque part quand-même !

— Malheureusement, il y en a beaucoup des « quelque part ».

— On reviendra René, on reviendra.

Et il bascula le bimoteur vers la droite pour reprendre la direction du nord.

C’est dans la vallée d’à côté que René repéra quelque chose. Ils avaient maintenant le soleil à gauche qui envoyait ses rayons au raz du sol. Les meilleures conditions pour observer le sol. Une configuration bizarre au milieu de la vallée, une configuration de tâches presque rondes, ou plutôt de trous puisqu’au milieu de ces trois tâches grises se trouvaient trois tâches noires comme des trous.

— On descend pour voir.

À 50m d’altitude, ils envisagèrent d’attribuer une dizaine de mètres de diamètre à chacune des taches. Et constatèrent qu’elles avaient une forme d’entonnoirs, le trou au milieu. Ils passèrent plusieurs fois au dessus de l’étrange monument naturel sans en apprendre plus long pour autant. Et soudain ils aperçurent une forme trop régulière pour être naturelle juste à côté des trous, devant une émergence rocheuse.

— Il faut atterrir, René.

— Le jour va tomber d’ici quelques dizaines de minutes mon colonel.

— Tant pis ! Si on ne va pas voir maintenant, on ne verra jamais.

— On peut revenir demain.

— Tu sauras retrouver cet endroit ? Tu sais bien que non.

— Oui, bien sûr, mais si on atterrit, on ne va pas pouvoir redécoller avant demain, si jamais on trouve du terrain dur pour nous poser.

— Je pense que c’est du dur, tu ne crois pas ?

— Hmmm, j’ai aussi cette impression colonel, mais vous savez bien que dans le désert….

— Oui, je sais !

Et dans les tous derniers rayons du soleil, ils se mirent dans l’axe de la vallée et s’engagèrent dans l’atterrissage le plus improbable de leurs carrières respectives.

Le contact des roues avec le sol fut rude mais n’empêcha pas le roulage de l’appareil. Ils roulèrent sur trois cent mètres et la chance devait être de leur côté puisqu’aucun affaissement sableux ne se trouva là pour les enliser pour l’éternité. Le Blenheim s’arrêta et René coupa le contact.

— On est toujours vivants colonel, profitons-en pour progresser.

— Comme tu dis René, comme tu dis.

Ils s’empressèrent de sauter à terre pour aller inspecter la forme.

— Ne courez pas colonel, il fait encore chaud.

Labarbe avait raison, si on est imprudent et désordonné dans le désert, on n’y fait pas de vieux os ou plutôt des os et rien d’autre qui blanchiront au soleil.

Plus Morlet s’approchait de la forme, en jugulant son impatience, plus il savait ce qu’elle était. Dans l’ombre qui s’étendait maintenant rapidement il arriva devant une Jeep. Vide bien sûr et… garée, comme si les occupant n’allaient pas tarder à revenir.

— La Jeep du colonel Delange, déclara Labarbe en arrivant à son tour.

Ils l’examinèrent. Les pneus gonflés, le pare brise intact, le volant fonctionnel, le moteur intact aussi et même la batterie était encore chargée. Ils le constatèrent en appuyant sur le démarreur qui lança le moteur dès la première tentative. Le réservoir et l’un des jerrycans sanglés à l’arrière, contenaient encore de l’essence. Ils s’assirent sur les sièges, côte à côte, en se grattant la tête, pour ainsi dire mentalement.

— Qu’est-ce qu’ils sont venus foutre ici ?

— Voir les trous ?

— Voir les trous ? Ça ne tient pas debout, ils ne pouvaient pas en connaître l’existence.

— Qu’est-ce que vous en pensez de ces trous mon colonel ?

— Un phénomène naturel.

— Quel genre de phénomène ?

— As-tu une idée ?

— Des météorites.

— Tu crois ?

— J’ai déjà vu des trous comme ça.

— Ah bon ?

— Dans Sciences pour tous j’ai abonné le gamin mais je le lis aussi.

— Où ça.

— Tassili, on y est. Mais si je me souviens bien, dans le magazine il y avait une différence.

— Laquelle ?

— Sur les photos, il n’y avait pas de trou noir au fond.

— Ça veut dire, voyons-voir, ça voudrait dire que c’est creux en dessous.

— C’est ce que je me dis aussi.

Maintenant, la nuit avait envahi tout l’espace autour d’eux et la température baissait rapidement. Ils regagnèrent leur avion où les attendaient des couvertures et des boîtes de conserve que Labarbe avait eu la sagesse d’embarquer. Et, sous la lune dont la lumière entrait dans le cockpit, ils s’emmitouflèrent pour ouvrir au couteau des boîtes de corneed beef accompagnée de carta musica, le pain du désert inventé par les sardes. Par précaution, ils avaient remonté l’échelle d’accès au poste de pilotage. Pour entrer dans un Blenheim il faut passer par en dessous.

— Et ta femme et les gosses René, tu les tiens au courant ?

— Je leur envoie une lettre chaque semaine.

— Ils sont arrivés à Alger ?

— Oui, en principe, mais vous savez que pour le courrier qu’on nous envoie, il faut attendre longtemps parfois.

— Je sais, moi ça fait deux mois que je n’ai rien reçu de la mienne.

— Ils ont changé de nom, ça complique.

— Ça complique mais c’est plus sûr.

— Votre fils il grandit ?

— Oui, il aura trois ans en juin, le 7.

— Le petit Michel deviendra grand.

La remarque de René rendit Morlet méditatif. Il se prénommait aussi Michel et la décision d’attribuer le même prénom au fils relevait d’une décision de sa femme. Comme si elle avait voulu conjurer les pires des augures. Sa femme lui manquait, son fils lui manquait. Il regarda la lune en sentant une larme couler sur sa joue.

Les deux hommes auraient pu dormir dehors, enterrés dans le sable, comme le faisaient les autochtones, ils auraient eu plus chaud. Mais ils en avaient vu d’autre et il ne fallut pas plus d’une demie heure pour que Morlet entende le ronflement de René. Étonnant comment cet homme pouvait dormir n’importe où et n’importe comment. Lui, Morlet, ne dormait pas. À vrai dire, ce n’était ni à cause du froid ni même de par des capacités d’adaptation moins bonnes, il avait connu bien pire. Il ne dormait pas sans trop savoir pourquoi ou plutôt, il se demandait quel pouvait bien être la signification d’une Jeep garée là en plein désert à des centaines de kilomètres de tout lieu habité par des humains. Et les trous ? Des impactes de météorites. Qui auraient percé une sorte de paroi, un plafond plutôt d’une cavité. Une cavité ? Et s’il y avait une cavité en dessous ? Mais… ils n’étaient pas venus jusqu’ici pour faire de l’archéologie. Leur mission: retrouver les deux loustics envoyés par Delange pour repérer et renseigner l’éventuelle présence d’un allemand. Brown et … et qui au fait ? Delange ne lui avait pas donné le nom du français ou c’est lui qui ne l’avait pas retenu ? Dilong non plus n’avait rien dit des sergents. « On cherche deux sergents en plein désert et voilà que ceux-ci laissent leur voiture au milieu de nulle part sans la moindre indication pour savoir ce qu’il s’est passé ». Voilà pourquoi Morlet ne dormait pas, son cerveau tournait tout seul en moulinant l’énigme tel un cuisinier qui retournerait une crêpe encore et encore. Il décida d’aller arpenter les alentours. Il remit l’échelle en place pour sortir, puis commença à faire quelques pas. Il frissonna tellement il faisait froid à présent. Il avait laissé la couverture mais il supportait la température ainsi rabaissée, en contrepartie des chaleurs extrêmes du jour en quelque sorte. Cela aiguisait ses sens, pas le moindre souffle de vent sur sa peau, l’odeur du désert faite du sable en train de refroidir mélangée aux fines effluves en provenance des lointaines plaines du sud, et le son étouffé de ses pas. Il s’arrêta pour écouter le silence. Le silence total, complet, intangible et terriblement solennel du désert. Il frissonna une nouvelle fois, une sorte de plaisir dans cette plénitude connue de lui seul. La guerre embrasait le monde et lui était là tout seul en train de humer la nuit. Il regarda la lune et la lune le regarda. Il était l’un de ces innombrables grains de sable, ni plus ni moins. Il se força à ne plus penser. Mais peut-on décider d’arrêter de penser ? Il le fit en fixant une étoile et resta comme cela, comme un sage engagé sur la Voie. Totalement immobile.

Mais…

Mais quoi ?

Un bruit ? Il venait d’entendre un bruit. Tellement ténu qu’il n’était même pas sûr d’avoir entendu un bruit. Il mobilisa encore plus ses sens mais seul le silence se fit entendre. Il attendit. À l’écoute, pour entendre encore ce qu’il avait cru entendre.

Rien.

Il attendit longtemps mais le silence lui parut encore plus patient que lui.

Alors il revint vers l’avion. Il s’arrêta en dessous et son ouïe aiguisée telle qu’elle l’était lui rapporta le ronflement de René et rien d’autre.

Rien d’autre ?

Là c’était sûr il avait entendu quelque chose, non pas un bruit indéfini mais un coup. Oui, c’est ça, un coup. Lointain… et un deuxième coup vint confirmer. Il orienta ses oreilles dans l’espoir de trouver la direction. Un troisième coup, presque inaudible ne lui permit pas de résoudre le problème. Impossible de déterminer une direction. Il repartit explorer l’espace vers toutes les directions possibles: rien. Il s’approcha des trous pour rester l’oreille tendue au dessus: rien. Il attendit encore mais sans plus de résultat. Alors, il prit une pierre et après une courte réflexion la lança dans le trou le plus proche. Cela fit du bruit car la pierre heurta des parois ou d’autres obstacles tout en lançant un son de chocs allant décroissant. Enfin, les résonances ayant accompagné la chute cessèrent, et Morlet comprit que la pierre était arrivée au bout. « Ça a l’air profond » pensa-t-il. Il pensa aussi que la cavité sous ses pieds devait être vaste à cause de la tonalité des résonances de même que leur temps de latence.

Comme rien de plus ne se produisit, il s’abstint de réveiller René. « Attendons le matin ».

Il somnola jusqu’aux premières lueurs du jour. Il descendit avec du café qu’il mit à chauffer au soleil. Labarbe ne tarda pas à le rejoindre.

Morlet aimait bien partager des moments comme cela avec Labarbe. Pas un seul mot de trop, des gestes sûrs, le plaisir de prendre le soleil au petit matin, de jeunes combattant prêts à en découdre le jour même si nécessaire.

— J’ai entendu des coups René.

— Alors ils ne sont pas loin.

— En dessous c’est creux et on dirait que c’est vaste.

— Alors il faut aller voir, mais on n’est pas équipés pour faire de la spéléologie, on n’a pas de corde, même pas de lampes.

— S’il y a du monde en dessous, il y a peut-être une issue pour y aller. Pas les trous, on ne peut pas passer par les trous, on va y rester.

— Il faut la trouver. Heureusement qu’on a nos rangers.

— Et puis il doit faire frais.

— Allons-y maintenant mon colonel, pendant qu’il ne fait pas trop chaud.

— Une dernière tasse René, une dernière tasse.

— On a un jerrycan d’eau, soit un ou deux jours de survie.

Ils mirent une bâche sur le cockpit pour réduire la surchauffe, dans la journée, du poste de pilotage. Et ils partirent prospecter les alentours. Ils commencèrent par rechercher des traces de pas à partir de la Jeep, mais le vent avait lissé le sol, aucune trace en vue. Ils imaginèrent quel avait pu être le cheminement mental des deux sergents pour essayer d’en déduire un scénario applicable aussi par eux-même. Ils décidèrent d’explorer les plus grosses concrétions rocheuses. Au bout d’une heure sans résultat:

— Séparons-nous mon colonel, ce sera plus efficace.

— Tu as raison. Prenons des directions opposées, moi par là, dit-il en désignant l’ouest et toi par là.

— Chacun sa boussole mon colonel, dès qu’on trouve quelque chose, on appelle et l’autre répond.

— Si on a du mal à se faire entendre, coup de feu, répondit Morlet en assurant son révolver à sa ceinture.

— Coup de feu, c’est la consigne, fit Labarbe avec le même geste.

Morlet marcha longtemps avec le soleil dans le dos, il allait contourner chaque accident de terrain dans l’espoir d’y dénicher quelque anfractuosité ou quelque trou, quelqu’entrée de souterrain. mais, au fur et à mesure qu’il s’avançait vers l’ouest, il était envahi d’un doute qui devint certitude: il allait trop loin. Il s’arrêta et la vue d’un lézard s’échappant sous une pierre lui fit prendre conscience que c’était la première manifestation de vie depuis leur arrivée. Il le prit pour une bonne augure. Puis il se mit en route dans l’autre sens. Il revenait vers la « vallée » qui leur avait servi de piste d’atterrissage, et en y revenant, il ne vit plus exactement une vallée. Non, on ne pouvait pas appeler cela une vallée. mais quoi ? Ah oui, il avait trouvé, un affaissement, oui c’est ça, un affaissement de terrain. maintenant, il voyait l’avion et la voiture, clairement garés dans un affaissement de terrain. Mais pourquoi le terrain s’était-il affaissé ? À cause de la cavité ? Soudain les coups se firent entendre. Légers, mais perceptibles. Et nul doute à présent, ils venaient du sous-sol. En même temps qu’il se disait cela, la silhouette de Labarbe se dessina devant à cent mètres. Lui aussi était revenu sur ses pas.

Ils découvrirent l’entrée du tunnel sous la Jeep.

 

Adresse de communication: colonel.spontini@gmail.com

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colonel.spontini@gmail.com

Publié le 16 Octobre 2022 par Colonel Spontini

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La pureté des sommets

Publié le 10 Octobre 2022 par Colonel Spontini

La pureté des sommets

L'eau "Mont Blanc" que l'on peut trouver en bouteille dans le commerce affiche tous ses avantages sur son étiquette (et aucun défaut). Parmi ceux-ci un bouchon solidaire. Quand on le regarde, ledit bouchon, il est en plastique bleu et il s'ouvre ou se ferme remplissant ainsi son rôle de bouchon. Mais comment reconnaître qu'il est solidaire ? Si on le compare à d'autres bouchons du même genre, on constate des différences de couleurs ou de techniques d'ouvertures, mais aucun indice pour éclaircir le mystère. Et pourquoi seulement le bouchon ? Pourquoi pas toute la bouteille ? Et pourquoi "solidaire" et pas "citoyen" ? Ouvrir un bouchon citoyen doit provoquer des sensations bien plus intenses que celles d'un bouchon solidaire. Faut-il interpeler le gouvernement pour envisager une loi sur les bouchons solidaires ?

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