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Colonel Spontini

Pourquoi le pouvoir dirait-il la vérité ?

N'oublie pas ta douleur (13)

Publié le 20 Octobre 2022 par Colonel Spontini

N'oublie pas ta douleur (13)

13

Le monde est complexe mais il le serait moins si les humains avaient la bonne idée de débarrasser le plancher (anonyme XXIème siècle)

 

Le soir tombe sur Vaughn et rien ne me permet de savoir comment va se passer ma nuit. Peut-être serai-je toujours vivant demain ? Je constate l’absence de poste de police de même qu’aucune caserne de pompiers n’est présente non plus. Bizarre pour une agglomération dotée d’un aérodrome. Ah mais oui ! Le camion de pompiers doit se trouver dans le hangar du tarmac avec des volontaires prêt à courir jusque là. Peut-être y a-t-il des hommes à Vaughn ? Je tourne à petite vitesse dans la Toyota de Molly , jouissant de la clim, mais sans arriver à voir personne. Par contre j’avise une antenne pour les téléphones portables, ce qui va me permet de mettre en œuvre un appel qui m’apportera peut-être une réponse à la question qui me titille depuis un bon bout de temps. L’antenne sert de hampe à un drapeau américain et les rideaux de la maison devant laquelle je suis garé vienne de bouger. Il me souvient subitement qu’une seconde antenne doit se trouver à l’aérodrome, j’ai du le capter inconsciemment. Et à l’ombre du hangar où je me gare, je constate avec contentement qu’elle existe bien, quoique sans drapeau. 18h ici, ça fait dans les dix heures en France. Ça sonne cinq fois puis un répondeur se croit obligé de me dicter ma conduite. Je refais le même numéro et cette fois c’est la bonne, j’ai Brun au bout du fil.

— Bonjour monsieur Brun, je vous appelle du Nouveau Mexique.

— La lettre est là bas ?

— Peut-être ou peut-être pas, mais j’ai une bonne piste et une idée assez précise d’où elle se trouve.

— Vous pensez l’avoir bientôt ?

— Impossible à dire. Je vous appelle pour vous tenir au courant et obtenir votre autorisation de continuer.

— Bien sûr que vous continuez, je n’ai pas changé d’avis.

— Il faut que je vous dise aussi une chose que j’ai découverte en faisant mon enquête.

— Je vous écoute.

— La lettre à été volée.

— Je vois et… où est le problème ? Ou plutôt, cela rajoute-t-il un problème supplémentaire ?

— Eh bien, c’est pour cela que je vous en parle, il est fort possible que pour la récupérer il faille la dérober à celui qui l’a volée.

— Voler la lettre au voleur ?

— Lui, il ne portera sûrement pas plainte, mais le propriétaire lui, on ne sais pas ce qu’il peut faire.

— Je vois. Eh bien, c’est très simple, aucun moyen pour la récupérer ne me pose de cas de conscience, voyez-vous, à vrai dire vous ne m’en parleriez pas que ça ne me gênerait pas du tout. Par la suite, s’il y avait des complications, j’en assumerai toutes les conséquences, soyez-en sûr.

— Voilà qui est clair et net, j’apprécie. Je devine que ce document à une importance cruciale pour vous.

— Si ce n’était que pour moi…

Je n’insiste pas et soudain, avant de raccrocher, je me souviens de la question qu’il faut poser:

— Ah, je voulais vous demander autre chose, comment Dufour s’est-il retrouvé chez vous ? Vous l’avez invité ?

— Oui, je l’ai invité. Vous pensez bien qu’en étant concerné par Mandeville comme je le suis, c’était bien normal de vouloir le rencontrer.

— Il y a une chose que je ne comprends pas monsieur Brun: avant que Dufour ne vous parle de la lettre, pourquoi étiez-vous concerné par Mandeville.

— Hmmm…. j’aime bien votre question Zantor parce qu’elle me prouve que j’ai bien fait de vous embaucher.

— Pourquoi avez-vous bien fait de m’embaucher ?

— Parce que vous avez de la jugeote.

— Merci…

— Et… la réponse c’est que je connaissais déjà l’existence de cette lettre.

Et vous avez rencontré Dufour dans l’espoir d’en savoir plus Avant d’entamer…

— … des recherches plus sérieuses ?

— Oui mais, il n’y avait plus de recherches à mener puisque Dufour m’avait révélé qu’il détenait la lettre.

— Et pourquoi m’avez-vous embauché ?

— Pour lui piquer.

— Vous auriez dû me le dire dès le début.

— Oui mais, je préférais que vous découvriez vous même la situation. C’est lui qui l’a volée ?

— Sans doute, mais je n’en ai pas la preuve, d’ailleurs je n’ai pas non plus la preuve formelle qu’elle est en sa possession.

— Effectivement et je vais insister sur un autre point monsieur Zantor: votre présence au Nouveau Mexique.

— Hmm.. c’est lié.

— À croire que oui.

— Mais comment ?

— À vous de le découvrir Zantor.

— Et… selon vous… quel rôle il joue Dufour dans tout ça ?

— Le rôle d’une sangsue et…

— Et quoi ?

— Vous allez voir Klugerman non ?

— Comment le savez-vous ?

— Peu importe, je le sais. Ce qui est important à présent, c’est ce qu’il va vous apprendre.

— Et s’il ne m’apprend rien ?

— Ne faites pas le benêt Zantor, ça ne vous va pas vous qui avez de la jugeote. Vous savez vous adapter aux situations imprévues non ?

— Heu… oui, ça m’est arrivé.

— Eh bien à vous de jouer.

Et Brun me laisse comme ça sur le tarmac de l’aérodrome de Vaughn avec des points d’interrogation dans la tête, si nombreux que je ne sais pas comment programmer la suite de la soirée. Et en retournant, lentement, dans le centre de Vaughn (le centre ! Il n’y a même pas de périphérie !) je décide de la jouer taoïste, c’est-à-dire comme si j’étais sur la Voie, en train de me détacher du cours des choses, abandonné à mes seuls actes réflexes.

Le sourire de Marta à mon arrivée dans son bar, n’a pas d’autre existence que la myriades d’étoiles qui sont en train de décorer le ciel de la nuit qui vient. Nous échangeons des mots légers en rapport, sans doute, avec une connivence qui a du s’installer entre nous. Et nous voilà, Marta et moi, en train de deviser de choses et d’autres, de part et d’autre de tamales aux gombos à la saveur étrange mais bonne et une bière légère pour faire passer. La bière de Jacques Chirac. Il me faut du temps pour lui situer Chirac. Autant qu’un type qui voudrait vous expliquer la personnalité et les motivations d’un politicien kosovar au moment où il entre dans le tribunal. Puis, les tamales terminés, le dessert aussi, et un dernier verre, Marta me dit:

-— Tu peux prendre une douche Léonard, j’ai allumé le chauffe-eau.

— Je la prendrai demain.

— Non, ce soir, je ne voudrais pas avoir allumé le chauffe-eau pour rien.

Voyez le genre.

Je monte dans ma chambre alors qu’elle commence à éteindre les lumières.

Je prends ma douche et je me glisse dans le lit en priant le Très Haut pour que la suite soit paisible et harmonieuse.

Elle se fait attendre, bien sûr. Vous connaissez des femmes qui ne se font pas attendre ? Nous n’avons aucune obligation réciproque, nous sommes tous les deux des adultes qui menons nos vies en adultes, en toute liberté, et elle trouve le moyen de se faire attendre alors que je n’ai aucune raison de l’attendre. Si je suis dans ce lit c’est pour dormir.

Non ?

Non.

Je somnole, je somnole tellement que le sommeil m’a déjà pris presqu’entièrement, bien que je sache qu’une affaire en cours n’est pas arrivée à terme. Et des coups sur la porte se font entendre. Je grommèle et immédiatement la porte s’ouvre (Je n’avais pas fermé à clé ?) sur Marta en tenue légère. Du moins à la faible lueur régnant dans la pièce, je la vois plus dévêtue que tout-à-l’heure. Elle est attirante, aucun doute et je ne vois pas d’inconvénient à sa venue à mes côtés dans mon lit, alors qu’elle n’a pas demandé la permission.

La suite, au fond, ne m’étonne guère, car pour vous faire une confidence, ça fait un sacré bout de temps que je savais que ce qui arrive maintenant devait arriver.

Croyez-moi si vous voulez, mais les révélations de Brun ne sont pas étrangères à mon abandon dans les profondeurs de Marta, car quand les idées se bousculent en trop grand nombre dans la tête, rien de mieux qu’une étreinte suivie d’autres étreintes avec une libellule du désert comme Marta.

Le reste de la nuit contient le contentement d’avoir traversé en dehors des clous le chemin du désir charnel agrémenté d’une toute nouvelle affection.

Au petit matin, je suis réveillé par les ronflements de Marta, alors que je pensais que c’était moi qui ronfle en général, et qui réveille la voisine.

Je vais prendre une nouvelle douche mais le chauffe-eau a du s’arrêter dans la nuit car l’eau est froide, mais à l’aube d’une journée torride, l’inconvénient n’en est pas un.

Je descends faire un café et vers 7 heures, madame Davy Crokett fait son entrée.

Je lui sers un café, et comme si une onde avait monté les escaliers pour sonner l’alarme, Marta arrive en ajustant le bouton de son jean.

Une heure plus tard, j’ai réglé ma chambre et le reste et, sous le regard des deux amazones auquel s’est ajouté celui de cinq autres clientes, je pousse la porte et monte dans la voiture après avoir placé ma valise dans le coffre. Je démarre sur les chapeaux de roues en saluant la sympathique assemblée dans laquelle je distingue Millie qui vient d’arriver. Je quitte Vaughn sans savoir si un homme au moins y vit.

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