« Il miracolo » ou comment un espoir des miracle se transforme en cauchemar
Série Netflix en 8 épisodes
Création Niccolo Ammaniti
Scenario: Niccolò Ammaniti, Francesca Manieri, Francesca Marciano et Stefano Bises
Une bonne histoire débute sur des prémisses alléchantes de telle sorte qu’elles vont nous faire attendre la suite en engendrant jubilation et impatience. Si c’est celle d’un avocat déclassé, en proie aux démons de l’alcool, méprisé par sa fille qui a choisit de vivre sous le toit de la mère divorcée, ça commence plutôt mal et l’on peut être sujet au bâillement voire à la tentation de regarder autre chose. Mais si l’histoire commence avec un premier ministre italien, qui a une tête de premier ministre italien, et dont le chef de l’armée détient une statue de la vierge qui pleure du sang, ça devient plus excitant. D’où vient-elle ? Comment expliquer ce sang qui n’arrête pas de s’écouler ? Surtout si on n’est pas croyant, comme ne l’est pas ce chef de gouvernement progressiste qui prépare un référendum sur la sortie de l’Italie de l’Europe (il milite pour le « oui », soit rester dans l’Europe). Il y a un prêtre corrompu et lubrique poursuivi, depuis des années, par un amour de jeunesse qui n’a partagé son intimité qu’une fois autrefois. Il y a la première Dame et les enfants. Et toute une brochettes d’autres personnages qui mettent du beurre humain dans ce drame qui pourrait être parfois comique, mais qui ne l’est pas et qui est parfois surnaturel mais sans plus. Plein de prémisses excitantes mais qui restent en l’état. Les personnages et les situations stagnent dans l’état où ils étaient au départ. La jolie biologiste militaire blonde, en charge de lever le mystère de ce sang issu d’une statuette en plastique, en fait analyser l’ADN. Et puis son jeune collègue propose de soumettre le résultat à une app grand public qui en donne un visage. Un inconnu. Recherche dans les bases de données. On trouve un type qui correspond, Tarek Amin. Mais on comprend vite que ce type n’est pas gentil. D’abord il parle français. Ensuite il fait du traffic humain, d’africains que l’on découvre sur un chantier sans savoir ce qu’ils font là. Une femme issue de la diversité se retrouve à l’état de cadavre et Tarek le français l’enterre avec une pelleteuse. Mais la biologiste l’approche quand-même car elle veut son ADN. Elle repart avec un mégot et une expérience glauque. Ce n’est pas l’ADN de la vierge. On fait quoi maintenant ? Demandent les scénaristes à Niccolo. Il reste encore trois épisodes. J’ai une idée, dit Niccolo. On t’écoute, disent Francesca, Francesca et Stefano. Et Carlo, le fils du premier ministre, petit garçon mignon et gentil comme n’importe qui voudrait l’avoir comme fils, se retrouve à l’hôpital, entre la vie et la mort, à cause d’une créature qui nageait dans la piscine de sa grand-mère. Toute l’Italie soutient le premier ministre et sa famille. Un espoir national qui fait sérieusement remonter le moral du spectateur. Et Carlo sort de la salle d’opération vivant. Il est solide dit le chirurgien après onze heures d’opération. Eh bien, croyez-le si vous voulez mais Niccolo et sa bande de vauriens fait mourrir le gamin. C’est littéralement et moralement abject. Car l’intention réside probablement dans la nécessité de relancer l’intrigue. Cette irresponsabilité morale est une tare que Tarentino avait déjà utilisé dans le passé en jouant avec nos émotions de façon inconsidérée. Ensuite on espère quand-même une interaction entre la vierge qui pleure et Fabrizio, le premier ministre ou Marcello le prêtre ou Salvo le mafieux ou tout autre acteur de cette histoire, mais rien de décisif ne se produit, on reste dans la confusion. La fin de cette histoire est encore plus confuse que le début. Elle n’est pas particulièrement mystérieuse, par contre elle est particulièrement confuse. À la fin, sachez-le, Fabrizio qui vient de perdre son petit garçon, laisse sa femme et sa fille entrer dans une secte logée dans une sphére et jubile de sa victoire du « oui » au référendum. Personnage désespérant tout autant que la perspective de rester dans l’Europe.
« Il miracolo » ne mérite pas son nom car aucun miracle ne se produit, par contre, l’ensemble de cette saison qu’on espère unique produit une déprime et un abattement philosophique certains. Les caractères sont médiocres, l’imagination des auteurs est médiocre et le résultat peut être considéré comme une contribution à l’autodénigrement franco-européen dont nous sommes victimes depuis des décennies car elle démolit un peu plus la vision que nous pouvons avoir de nous-même. Comment pouvons-nous nous projeter dans un avenir prometteur avec des histoires aussi démoralisantes. Quand le pessimisme remplace le talent cela donne « Il miracolo » et malheureusement bien d’autres productions.
Le Colonel