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Colonel Spontini

Pourquoi le pouvoir dirait-il la vérité ?

N'oublie pas ta douleur 16

Publié le 2 Novembre 2022 par Colonel Spontini

N'oublie pas ta douleur 16

Bon sang ! Éructe le colonel, où ai-je bien pu fourrer la réponse à l'énigme de Saint Dominique ?

16

 

Je suis contre les extrêmes: la naissance et la mort.

On s’emmerde suffisamment entre les deux. (Guillielmo Plato)

 

Labarbe démarra la Jeep sans aucune difficulté, il enclencha la première et fit avancer le véhicule de quelques mètres faisant ainsi apparaître l’entrée d’un couloir s’enfonçant dans le sol. Il faudrait plutôt parler d’un puit étant donné qu’il allait presque à la verticale. Il y avait comme des marches, au grès des affleurements rocheux, de même que des appuis pour les mains. Ils emportèrent deux lampes à mèches en vérifiant que les réserves d’huile lampante étaient pleines, plus quelques accessoires qui pouvaient de révéler utiles et ils tendirent l’oreille:

Pas le moindre bruit.

— On y va mon colonel ?

Deux heures d’autonomie. Une par lampe.

La progression vers le bas s’avéra laborieuse à cause de la pente et du sol, mélange de parties dures et de parties friables. Ces dernières rendaient les dérapages fréquents. Labarbes en avant avec la lampe dans une main et Morlet derrière qui tentait en permanence d’assurer leur stabilité et d’anticiper toute chute de son compagnon. C’est pour cela que le temps passa plus vite qu’ils n’auraient voulu, comme ils le constatèrent en arrivant sur une corniche presque horizontale de laquelle ils découvrirent un ruisseau dont le flot faisait entendre un tout petit bruissement qui leur fit du bien. Par contre la première lampe arrivait à la fin de sa réserve. Cela faisait une heure qu’ils s’enfonçaient dans la terre. L’air se faisait plus rare mais la température, plus fraîche et plus clémente.

Après la corniche, la pente reprenait vers les profondeurs mais, maintenant, ils étaient accompagnés du ruisseau. Y tremper la main et se couvrir le visage de l’eau fraîche leur redonnait du courage et le soulagement de savoir qu’il leur était désormais impossible de mourir de soif. Ils devaient s’arrêter de plus en plus souvent pour respirer le peu d’air qui stagnait là. Aucun des sons qu’ils avaient entendus là-haut ne s’était fait entendre de nouveau. Ils baignaient dans un silence total, à peine, entamé par la petite chanson du ruisseau. Morlet passa devant et leur descente continuait. Ils continuaient parce qu’il étaient convaincu d’arriver quelque part. Ce boyau avait été creusé par des humains, cela ne faisait aucun doute, on ne pouvait pas le prendre pour une œuvre de la nature. Il paraissait d’ailleurs avoir été façonné depuis peu de temps, étant donné son état correct de conservation. Pas de rampes rajoutées, ni de marches maçonnées, mais les parois témoignaient en faveur d’un artefact de facture récente.

Pour quoi faire ?

On était en plein milieu d’un des déserts les plus hostiles au monde et quelqu’un avait trouvé le moyen d’y nicher la cachette la plus inaccessible qui puisse se concevoir.

Ils descendirent encore puis, le sol revint à l’horizontale et le plafond remonta de telle sorte qu’il, purent marcher facilement. Ils faisait frais. La lumière n’aclairait pas loin, mais ils sentaient que l’espace s’élargissait. L’air était plus abondant et le bruit de leurs pas résonnait de plus en plus loin.

Soudain Morlet sentit son pied droit s’enfoncer dans l’eau.

— René !

— Je vous éclaire mon colonel !

Une surface liquide s’étendait devant eux. La lumière de la lampe n’arrivait pas aux confins de l’étendue d’eau.

— Nom de nom de nom de Dieu ! Cria Labarbe pour évaluer l’espace. C’est l’écho d’une cathédrale qui leur répondit.

Morlet ramassa un caillou et le lança le plus loin possible devant lui. C’est dans l’eau sombre qu’il retomba comme les renseigna le bruit aqueux de l’impact. René ne put s’empêcher d’encore frapper dans ses mains pour tâter l’espace et son applaudissement s’échappa dans les tréfonds d’une grotte dont ils ne pouvaient pas dire les dimensions.

— Une barque !

René s’était mis en mouvement et il venait de tomber sur une barque posée sur la rive, avec deux rames délaissées de part et d’autre.

— On la prend mon colonel ?

— On n’a plus beaucoup de temps René.

— On ne va pas abandonner maintenant mon colonel !

Bien sûr qu’ils ne pouvaient lâcher l’affaire au point où ils en étaient. Morlet en était bien conscient. Quitte à remonter dans le noir….

Ils ramèrent droit devant, éclairé par le halo de la lampe qui fonctionnait encore. Les rames remuaient une eau tellement pure que la faible clarté suffisait pour voir le fond.

— Là regarde !

Morlet avait aperçu une créature de quelques centimètres, toute blanche, qui s’enfuit plus loin dans l’ombre protectrice. Et soudain l’autre rive se matérialisa devant eux:

Un promontoire en ciment et une échelle métallique.

Ils manœuvrèrent pour s’y arrimer. Elle n’était pas rouillée.

— Vas-y René, je te suis.

Au moment où René arriva en haut de l’échelle, avec Morlet qui le suivait, la lampe s’éteignit.

— Merde ! On est dans le noir mon Colonel !

— Attends René, je te rejoins.

Ils étaient loin de s’affoler, en avaient vu d’autres, bien qu’ils fussent dans le noir.

Arrivé sur le terre-plein:

— On a un plan B René ?

— J’ai mon Zippo.

Une petite flamme vint trouer le noir, ce qui leur permit d’apercevoir une porte métallique vers laquelle ils s’avancèrent puis l’ouvrirent après avoir écouté s’il  y avait du bruit derrière. Une pièce de bonnes dimensions se révéla et au moment où Labarbe constatait la présence d’un gros ventilateur dans le plafond, la flamme du briquet s’éteignit. Le noir et le silence revinrent les envelopper. Le ventilateur ne fonctionnait pas et l’air se faisait rare.

À tâton, ils trouvèrent une table avec des chaises autour. Rien sur la table. Ils tournèrent jusqu’aux murs où étagères et placards se révélèrent vides et sans odeur. Une porte au fond, elle aussi métallique cachait une seconde pièce. Après l’avoir ouverte au moyen d’un volant qui tourna facilement, ils pénétrèrent dans un espace dont les dimensions ne pouvaient s’évaluer d’un coup, mais des claquements des doigts leur indiquèrent quand-même qu’elle était plus petite. Et, progressant prudemment, ils découvrirent des lits superposés.

Soudain ils entendirent des bruits lointains.

Ils regagnèrent la grande pièce en tendant l’oreille.

Cela venait d’en haut.

Du conduit derrière le ventilateur arrêté.

— Mon Colonel, on est en train de se faire berner comme des nouveaux-nés !

— Bougre de crétin que je suis, tu as raison !

C’est juste à ce moment-là qu’un bruit continu vint se faire entendre.

Un ronflement régulier.

Un son infiniment familier.

Le moteur de leur avion !

— Les salauds, ils nous piquent notre avion !

Comment en douter ? Et le son des moteurs du Blenheim se modifia, indiquant que leur appareil faisait demi-tour. Puis les peins gaz envahirent tout l’espace. Ils restèrent immobiles à écouter. Remonter maintenant prendrait beaucoup trop de temps. Le bruit du décollage ne fut pas interrompu par un accident, qu’ils espéraient secrètement. Il ne fut bientôt plus audible le celui de leurs respirations revint se faire entendre.

— Patron ?

— Oui, tu as raison.

— Mais je n’ai encore rien dit à part « Patron » !

—Je sais ce que tu vas dire.

— On les retrouvera.

— Bien sûr qu’on les retrouvera.

— Et on leur fera regretter.

— Ils le regretteront jusqu’à la fin de leur jour et la fin de leurs jours…

— Ce sera le même jour.

 

La remontée ne fut pas une partie de plaisir, loin de là.

Ce n’est que grâce à leur vigoureuse jeunesse qu’ils échappèrent au mauvais faux pas occasionné par leur découragement. Ils remplirent leurs gourdes dans le ruisseau et plongèrent leurs têtes dans l’eau fraîche. Une lueur pleine de chaleur vint finalement signaler la fin de l’épreuve. En pleine après-midi, il faisait plus de soixante degrés.

Mais la Jeep était là.

Ils virent tout de suite que les jerrycans étaient là aussi et pleins. D’essence et d’eau. Tellement chaude, cette dernière, qu’ils auraient pu y faire du thé. Quant à l’essence, ils protégèrent leurs récipient d’une bâche après avoir fait le plein.

Et ils attendirent que le soleil décline, pendant deux heures.

Ensuite, ils se mettraient en  route.

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